Textes - Texts

(Septembre)

La construction de la peinture commence avec la recherche de documents. Ces documents proviennent de différents supports comme les archives photographiques. Celles ci nous parle d’une mémoire collectives dont font parties les fêtes de village, les gâteaux d’anniversaire et les photos de famille. C’est un espace de recherche annexe ou le travail se met en route. Ces images ont un statut particulier, pour un temps d’actualités, elles s’archivent, basculant dans un monde en hibernation, au bord de l’effacement. A quel moment une image devient archive ? Et que viennent - elles questionner dans notre rapport à la mémoire ?

Dans la construction de la peinture, il y a le processus d’apparition de l’image par des couches qui s’ajoutent les unes après les autres. C’est un rapport au temps qui devient long et se met à jour. Les images s’agrandissent, elles se vident petit à petit de leurs contenu, et deviennent fantomatiques. Parfois l’image n’arrive pas à apparaitre. La matière de le peinture parle de dilution, d’effacement, et de repentir. Nous pouvons également y voir un rapport à l’enfance, celle qui ne reviendras pas. Que décidons nous de garder ? La lumière est là pour parler des choses qui résistent. Comme des veilleuses, elles veillent. De temps à autres, la mémoire prend d’autres chemins. Celui d’une forêt, d’une rivière ou d’un tournesol. Réceptacle d’une histoire où d’une trace à interroger.

La littérature est une autre matière première. Les différentes voix qui apparaissent dans les textes de Marguerite Duras, nous parle d’un rapport à la disparition mais aussi des petits événement qui reviennent sans cesse et qui nous hantent. « Un peu absente du lieu ou je parle (...)Je ne sais pas répondre, je ne sais plus rien depuis que je suis arrivée à la mer. » Marguerite Duras, C’est tout, édition P.O.L, 1995.

(Mars)

Nous n’avons aucune image des trois premières années. Ce temps est un trou noir. Ou plutôt un réservoir de mémoire, un observatoire étoilé. Toute image pourra exister. Comme la fabrication de notre deuxième enfance. Nous pourrons y apercevoir un rapport au deuil mais aussi cette mise à distance que nous impose la peinture. Les images au réveil se dévêtissent de leurs corps. Elles sont empreintes de la nuit, des rêves, du bleu infusé. Nous sommes face à des peintures qui tentent de faire image mais qui n’y arrivent pas toujours, pas totalement. Il y a le temps que met l’œil pour voir dans cette chambre noire. La matière est diluée, liquide, elle parle de différents états. (Édulcoré définition : rendre plus doux, mettre du jaune au canard). Dans cette enfance à demi effacée, les images deviennent flottantes, stoppées dans leur développement de photographies. Il nous reste à voir les petites lumières restantes, celles qui appartiennent aux enfants quand les images s’assombrissent. Si nous ratons le jour, nous rattraperons la nuit.

Blandine Herrmann

(September)

The construction of the painting begins with the search for documents. These documents originate from different sources like photographic archives, vacation home movies and local newspapers. They tell us about a collective memory to which belong town fairs, anniversary cakes, and family photographs. It is a peripheral place of research where the work begins. These images have a peculiar status, after a moment of immediate presence they become archives, making it through an hibernating world, on the verge of erasure. At what moment does an image become an archive ? What do they question of our relation to memory ?

In the making there is the apparition process of the image through the accumulation of layers, one after another. It is the exposure of a relation to time in the long run. The images expand, little by little they are emptied of their content and become ghostly.Sometimes the image cannot appear. The material of the painting speaks of dilution, erasure and pentimento. We can see it has a relation to childhood, to the one which will not return. What do we decide to keep ? The light is here to talk of the things that resist. Like nightlights they stay awake.

Litterature is an other source of material. The different voices that appear in Marguerite Duras’s texts speak to us about loss but also of these little events that relentlessly return to haunt us. «Somewhat missing from the place where I am speaking (...) I don’t know how to answer, I don’t know anything anymore since I’ve reached the sea. » Duras, Marguerite.No More.1995. Seven Stories Press, 1998.



(March)

We have no image of the first three years. That time is a black hole, or rather a memory reservoir, a starry observatory. Any image could exist. Like the making of our second childhood. We would be able to glimpse a connection to mourning and also the settling of distance that painting imposes on us. The images upon awaking are stripped of their bodies. They are imprints of the night, the dreams, and the infused blue. We are faced with paintings that try to become the image but never quite succeed. There is the time it takes for the eye to see in this dark room. The paint is diluted, liquid, it speaks of different states. (Water down definition: to make it softer, to put some yellow on the duck). In this half-erased childhood, the pictures become floating images, stopped in their photographic processing. What's only left to see are the small lights remaining, those which belong to the children when the pictures darken. If we miss the day, we will catch up the night.